Éloge d’un grand serviteur de l’État : Henri THEILLOU 1911- 2006
Article : M CLIN - Vice-présidente de l'A.C.A.C.H.I.C.
Grâce aux souvenirs qu’il a rassemblés et dont il nous laisse un mémoire aussi pittoresque qu’instructif, il nous est donné de suivre d’aussi près que possible les étapes et le détail d’une carrière exemplaire.
Un premier aperçu ne peut, en effet, que nous inciter à admirer le chemin parcouru par Henri THEILLOU durant les temps de reconstruction qui suivirent la Libération et qui ont restauré l’institution hospitalière telle qu’aujourd’hui nous en recevons l’héritage.
Il s’agit non seulement d’un administrateur remarquable dans la qualité du service Public exercé mais aussi d’un cœur et d’une âme entièrement engagés dans ce que la vie sociale implique de réelle et profonde humanité. Résistant, les années de guerre ne seront pas non plus sans ajouter à ses mérites.
Rien en tous cas qui se réduise à un parcours honorifique et seulement brillant ou méritoire. Il importe plutôt d’apercevoir l’inventeur d’une existence dont l’énergie exceptionnelle et l’efficacité quotidienne restent l’intime secret propre à fasciner ses témoins. Pas davantage ne saurait-il être question de confondre une ordinaire ascension glorieuse avec ce qui ne fut jamais que réponse à une vocation et une généreuse ouverture au monde.
Une telle forme d’enthousiasme ne pouvait que susciter des réseaux de confiance et d’indéfectibles amitiés.
A l’écart de toute idéologie, profession de foi ou sectarisme crispé, sans ambages ni calculs, en exclusif souci d’équité, il importe de reconnaître une existence faite de choix pondérés, d’engagements tenus comme de réussites acquises au prix d’une sagacité toujours en éveil.
Un numéro spécial du Bulletin de l’Association Culturelles des Amis du C.H.I. dont Henri THEILLOU était Président d’Honneur, lui sera bientôt consacré, relatant les principales étapes et circonstances qui promurent un jeune professeur de lettres du collège de Fougères, grand administrateur dont, cinquante ans après, nous tenons, en Picardie, et tout particulièrement au Musée du C.H.I. qui porte son nom à célébrer la mémoire.
Une biographie exemplaire
Á Méru 1943-1945
C’est en avril 1943, en sa Bretagne natale alors que jeune marié et père d’une petite fille, Henri THEILLOU surveillant général au Collège de Fougère est averti par un bulletin d’informations universitaires, d’un concours pour le recrutement d’un directeur d’hôpital à la Préfecture de l’Oise. Il ne dispose que d’un mois pour s’informer et s’initier sur les fonctions auxquelles il postule parmi trois candidats et face à un jury de directeurs administratifs.
Déjà ses capacités et son aisance pour la présentation font leur effet. Peu après donc, il apprend, par Mademoiselle Paule Choquet, membre du jury et directrice de la population (future D.D.A.S.S.) qu’il est attendu pour le 4 janvier 1944 comme Directeur économe à l’Hôpital de Méru.
C’est donc à Méru, petite bourgade sans histoire, qu’il va enfoncer, en Picardie, le soc d’une charrue décidément engagée dans le terreau des réalités sociales les plus sensibles.
De ces premiers contacts il gardera le souvenir contradictoire de son arrivée chez un prédécesseur rendu agressif par une révocation estimée imméritée et assisté seulement par une unique employée elle-même écrasée sous le poids de tâches inconsidérées.
Par contre, il reçoit l’accueil d’un maire dont le franc parler et l’ouverture d’esprit lui ouvriront toutes les portes de l’environnement. En effet, ce ne sont pas moindres affaires que de remplir, en ces temps de rude hiver d’occupation et de constants mitraillages, les fonctions cumulées et quelque peu inattendues de ravitaillement, ambulance, rapatriement, hospitalisation ou hébergement clandestins. Fonctions auxquelles se voue, sans relâche, ce résistant en incessante activité.
Quand vient à Méru, l’heure de la Libération, ce sont moins les Américains qui s’y arrêtent que le groupe de résistants F.F.I. (Forces françaises de l’Intérieur) qui achève « le nettoyage ». Tandis que perdurent les problèmes de ravitaillement auprès de fournisseurs patentés, avec les commissions administratives et les bureaux de tutelle de la Préfecture, se perpétuent les échanges d’accords. Et tout particulièrement avec Mademoiselle Choquet qui lui confie un enfant handicapé à qui elle espère épargner les affres de l’enfermement et qui s’attachera définitivement à la famille.
Á Compiègne 1946-1958
Deux ans après les exercices en tous genres menés à Méru, s’ouvre, à Compiègne, une période d’activités plus classiques où Henri THEILLOU donnera la mesure de son art dans la direction d’un grand service public.
L’Hôpital de Compiègne comporte alors 862 lits dont un secteur chirurgical de 186 lits à réorganiser dans son ensemble. Une première visite lui donne un aperçu de l’état des lieux : pénurie relative de personnel d’encadrement et problèmes posés par la présence américaine dans le bâtiment St Joseph équipé de matériel chirurgical lui appartenant. A deux kilomètres est installé le foyer des enfants assistés - une trentaine environ - confiés à des religieuses.
Des pressions constantes mettent Henri THEILLOU en relation personnelle avec les sommités de la commission administrative de l’établissement. Et c’est donc avec le Baron James de Rothschild que s’ouvrent les débats abordant la question des prochaines élections et nominations. Henri THEILLOU, dans l’effervescence politique du moment ne fait pas mystère de son appartenance à la gauche S.F.I.O. Liberté d’opinion que lui accorde volontiers le Président, son principal interlocuteur. Mais dès la réunion suivante, un désaccord se produira lorsque Rothschild prétendra créer un poste de sous-économe et l’attribuera à un titulaire de son choix ; prérogative de nomination que la loi et le règlement réservent au Directeur et que celui-ci revendique, textes à l’appui, obtenant, par là même, gain de cause administrative !
Les premières entrées en relation verront se succéder de solides alliés ou soutiens d’action tels que le célèbre Chanoine Couleau, très attaché à l’action hospitalière en tant que membre du Conseil d’administration depuis 1944. Peu après, Henri THEILLOU reçoit le représentant du Conseil de l’Ordre des médecins avec qui, plus d’un point restait à débattre et à préciser. Aux élections cantonales successives il s’agira de soutenir, contre le candidat de la droite, M. Legendre, une tête de liste favorable à la Gauche. C’est ainsi que M. ADNOT obtiendra son mandat à la mairie facilitant une importante acquisition immobilière pour l’Hôpital. Dès lors s’instaure à la commission administrative des appuis propres à faciliter la meilleure gestion d’un vaste appareil de service public.
La grande affaire fut d’abord la solution à apporter au sort du bâtiment de chirurgie St Joseph dont le commandement américain avait décidé de se retirer, ceci grâce à l’habileté du Sous-préfet contrecarrant les maladresses de Rothschild. Tant il importait de récupérer la plus grande partie du matériel opératoire. Les relevés d’inventaire n’ont pas été sans signaler des disparitions au cours du déménagement. Mais il fallut admettre une fâcheuse propension aux fuites, habituelles aux services de transport dans l’armée américaine
Plus difficile à traiter fut le problème posé par le corps des chirurgiens. La ville n’ayant pas de clinique privée, c’est à des ententes particulières entre chirurgiens et patients qu’il convenait de résister. La transgression des accords et règlements de la Sécurité Sociale, la date et le montant des honoraires pour une intervention se fixaient en marge des pratiques de secteur officiel, dans une sorte de « clinique ouverte » à laquelle il fallait finalement consentir sous la pression du représentant des médecins à la Commission administrative.
Aussi bien doit on composer avec l’hostilité des chirurgiens à la présence des internes en salle commune ; astreintes et urgences auxquelles ne pouvaient suffisamment répondre le dévouement et les interventions tant généreuses que judicieuses des Sœurs infirmières au bloc opératoire ou à l’accueil des accidentés pour lesquels rien n’était prévu. A cet égard, c’est la création d’un poste de médecin anesthésiste réanimateur qui corrigea quelques absurdes comportements.
Si la plupart des soins infirmiers étaient assurés par les sœurs de la congrégation du Sacré Cœur d’Issoudun, le service de l’Hôpital Général en pédiatrie relevait des Sœurs de St Vincent de Paul, soucieuses de l’observance des règles propres à la communauté au point que le directeur aura plus d’une fois à départager de menus conflits ou incidents de service avec les infirmiers laïques. Leur indépendance relative et leurs initiatives ne sont pas sans avoir laissé au directeur quelques inoubliables et charmants souvenirs.
C’est à Compiègne aussi mais un peu en marge du service administratif qu’Henri THEILLOU va réaliser grâce aux prévenances du maire, M. ADNOT, une acquisition immobilière d’envergure. Ainsi, l’Hôtel du Palais, vaste immeuble situé sur la place, face au château va devenir une maison de retraite des plus honorables. Cet achat négocié habilement et à la plus grande satisfaction des principaux intéressés comportait, non seulement les bâtiments et le mobilier, la vaisselle et l’argenterie mais aussi les anciens propriétaires devenus chef de cuisine et directrice officiant à l’accueil de quelques participants donateurs, ex-commerçants ruinés par la guerre mais aussi toute une population de nécessiteux âgés, méritants et dignes de la reconnaissance civique.
Les missions à l’étranger
A Compiègne aussi et à partir de ses hautes responsabilités hospitalières, Henri THEILLOU aura l’occasion de donner libre cours à son intérêt pour les activités politiques et syndicales.
Politiquement engagé, il est trésorier de la Fédération Socialiste de l’Oise et secrétaire de la section de Compiègne. Syndicalement il a participé dès 1946 au congrès de Toulouse et à celui de Strasbourg en 1948 qui a vu la fondation du Syndicat des Cadres Hospitaliers, lui-même sera nommé secrétaire général. Et c’est en considération de ces positions occupées avec ferveur dans un moment de développement intense qu’il se trouve désigné pour des missions d’information à l’étranger.
La première lui vient du Ministère du Travail et de la Sécurité Sociale. Pendant une semaine, en Allemagne, à Cologne il aura à comparer les régimes sociaux des deux nations constatant la supériorité du système français. Peu après, il est envoyé par l’Organisation Mondiale de la Santé, pour trois semaines, vers les pays scandinaves étudier les solutions apportées aux problèmes de personnes âgées. Au Danemark, il constate le meilleur état général des seniors et l’attribue aux soins de kinésithérapie ordinairement usités à leur endroit.
En Suède, il reçoit des dons d’un banquier particulièrement zélé en faveur des syndicats libres.
Et c’est en troisième lieu que le Ministre des affaires étrangères crée une mission d’experts à charge d’étudier aux Etats Unis, l’incidence des progrès techniques sur l’emploi et les risques de chômage.
Pendant trois semaines, la petite équipe française de cinq spécialistes va donc visiter quelques grands centres industriels et suivre des conférences de syndicalistes et d’universitaires. Ceci sans négliger quelques parcours de musées ou étapes chez des hôtes privés leur révélant des aspects encore méconnus de « l’American way of life ».
Après les traversées de New York, Washington, Charleston, Atlanta, Detroit ou Chicago sans oublier Atlantic City, où se tient (cas unique en son genre) le congrès du seul Syndicat américain l’A.F.L.C.I.O., confédération de puissances autonomes en constantes interpellations sociales.
Les conclusions généralement tirées de cette enquête furent que les techniques d’automation entraîneraient moins d’accroissement de chômage qu’une transformation des activités diminuant celles du secteur primaire en faveur d’un développement considérable du tertiaire.
De ces différentes missions Henri THEILLOU recueille quant à lui, le bénéfice d’amitiés et de relations exceptionnelles. En particulier, il a croisé, au passage, parmi les membres d’une autre mission française, aux Etats-Unis, un certain Bernard LORY, conseiller à la Cour des Comptes et qui, depuis la formation du nouveau Ministère de la santé est devenu conseiller technique du cabinet de Bernard CHENOT. Invité par son ami à se joindre à cette sorte de « brain trust » de l’administration de la santé, Henri THEILLOU ne manque pas d’activités.
Que des dissensions et des imprévus aient empêché la réalisation des objectifs les plus ardemment souhaités, ne refroidit pas les amitiés naissantes et les promesses en germe. En effet, interrogé sur ses projets de carrière, Henri THEILLOU s’entend suggérer de demander une mutation prochaine vers le centre des Quinze-Vingts, déplacement qui le rapprocherait de ses nouveaux amis. La désignation à ce poste relevant d’une nomination directe par Bernard CHENOT, arrive en heureuse promotion le 23 décembre 1958.
L’Ecole Nationale de la Santé
Il allait de soi que cet ancrage nouveau, malgré les risques de surcharge allait attiser ses ardeurs. Le voici donc bientôt entraîné par la fine équipe du « brain trust » ministériel, dans le vaste programme de création, à Rennes, d’une Ecole Nationale de la Santé. Indépendante et propre à remplacer judicieusement le mode de recrutement des directeurs et officiers d’administration exercé jusque là par le Ministère Public. Mieux vaut, en effet, substituer aux initiations par stages et conférences sanctionnés par un jury constitué à cet effet, la fondation d’une école, éventuel internat, munie d’un corps d’enseignants et d’examinateurs appliqués à l’exécution d’un programme spécifiquement et exhaustivement défini.
A l’œuvre de cette entreprise avec QUERRIER ET LORY, Henri THEILLOU se met lui-même à l’école, suivant cours, conférences et travaux dirigés en même temps qu’il rédige rapports et mémoires sous la houlette d’éminents spécialistes : ALFRED SAUVY ou le Dr RÉCAMIER. Il acquiert ainsi le titre d’expert international de la coopération technique délivré par le Ministère des Affaires Etrangères.
Dans le même temps, ayant pris contact avec le Recteur de l’Académie de Rennes, ancien condisciple au Lycée de Quimper, il va lui-même donner cours et conférences préparatoires dans l’institution naissante.
D’importantes missions lui seront confiées, l’une par l’O.M.S. en Angleterre et l’autre, en Algérie dans les années 60.
L’objet de la mission de l’O.M.S. en Angleterre consiste en une étude de la réadaptation sociale des aveugles. Elle lui apprendra beaucoup sur des pratiques estimées notoirement plus en avance que chez nous.
Quant à l’autre, en Algérie, elle propose l’accompagnement de stagiaires en formation pour la fonction d’inspecteur d’hôpitaux auxquels il convenait de donner un enseignement approprié.
Alors, sous le pouvoir de BEN BELLA, le Ministère de la Santé d’Algérie met à sa disposition, une voiture et un chauffeur lui permettant quelques excursions et possibilités d’informations qui profitent à l’ensemble de ses zélés auditeurs.
La réussite de cet essai par un fin connaisseur lui en fera décider, quelques semaines plus tard, la récidive avec, cette fois, une équipe formée et organisée à sa propre initiative. Si bien que les contacts repris engageront ultérieurement le Ministre algérien incité par d’anciens stagiaires entrés en fonction sur place, à l’inviter en compagnie de son épouse pour un séjour d’agrément qui ne manqua pas son effet.
Fort de tant d’expériences accumulées en marge des charges qu’il assume aux Quinze-Vingts, Henri THEILLOU se voit inévitablement gratifié d’honneurs. Déjà médaillé des Anciens Combattants Volontaires de la Résistance, Chevalier du Mérite Social et Officier de l’Instruction Publique, il est désigné en 1962 par R. MARCELIN comme Officier de l’Ordre du Mérite. Autant de distinctions auxquelles s’ajouteront les reconnaissances spéciales dues aux efforts consacrés à la réhabilitation du Centre Hospitalier d’Ophtalmologie des Quinze-Vingts.
Á la Direction des
Quinze-Vingts 1958-1972
L’établissement des Quinze-Vingts constitue un type d’hôpital hors classe pour autant qu’il ne dépend pas de l’Assistance Publique et que les soins dispensés y sont spécialisés dans l’ophtalmologie. Établissement dit « de bienfaisance » géré directement par le Ministère et la Direction de la Santé, il fera durant les années 1960 et pendant toute sa période de reconstruction l’objet des attentions spéciales du cabinet ministériel de Bernard CHENOT.
De fait, les problèmes d’aménagement et de réorganisation administrative sont considérables car laissés en plan, c'est-à-dire dans le plus grand désordre et l’absence d’information officielle, par un prédécesseur négligeant qui retardera avec le même aplomb, pendant de longs mois, les conditions de l’hébergement du nouveau patron.
Les premiers contacts s’établiront avec l’équipe administrative constituée par l’économe, le secrétaire de direction ou « directeur adjoint » et le receveur comptable ; sans omettre l’équipe médicale de médecins chefs ophtalmologistes hautement spécialisés.
Quant aux bâtiments d’hospitalisation, ils sont en situation de radical remaniement. La Fondation de St Louis en 1260 avait été transférée sur les lieux qu’elle occupe actuellement pour devenir en 1779 une caserne de mousquetaires noirs, bâtisse en état très rudimentaire, ultérieurement réduite à usage d’hospice, délabrée et en urgence toujours croissante de réhabilitation.
A cet équipement hospitalier misérable s’ajoute la situation embrouillée de la gestion d’un patrimoine immobilier aussi insolite que disparate.
Le patrimoine matériel relevant de l’institution comprenait des logements d’habitation ou de commerce ainsi que des appartements et immeubles parisiens épars sans compter deux fermes dans le Val d’Oise et le Val de Marne, et… de façon inattendue : le Théâtre des Folies Bergères.
Ainsi, en plus de ce double chantier administratif et immobilier s’ouvrait, pour le nouvel arrivant, une carrière de dix ans de démarches, et d’initiatives aussi variées qu’intenses.
En marge des démolitions en cours, il lui fallait procéder à des expropriations, expulsions et relogements des habitants et commerçants établis dans le proche voisinage ; autant d’interventions qui supposent de constantes relations avec la Direction du Centre National de l’Equipement des services de santé comme avec les offices d’H.L.M. de tous bords.
Et c’est un administrateur hors pair qui va s’appliquer à réaliser des conditions sanitaires et sociales telles qu’il les conçoit…
En avril 1970 s’achèvent les travaux de reconstruction hospitalière les plus pressants mettant en ordre de marche : cuisine, entrée, économat, services sociaux, salle d’attente ainsi qu’un amphithéâtre pour l’enseignement.
Dûment réglés aussi les procès concernant les baux immobiliers reconduits ou réajustés à valeur due, c’est à une non moindre réforme du statut du personnel hospitalier qu’il faut procéder par voie parlementaire d’amendements légaux tels que l’assimilation des internes et l’intégration des médecins chefs dans le cadre universitaire. Nécessaires « normalisations » achevant d’offrir à l’intervenant des signes de la reconnaissance publique et de très sincères amitiés.
Quant aux patients eux-mêmes, aveugles ou mal voyants, ils se verront enfin gratifiés d’un statut redéfinissant trois modes de prise en charge de leur handicap ; soit celui d’un enseignement aux fins de réadaptation professionnelle soit l’hébergement en foyer de travail protégé soit la maison de retraite. Autant d’évolutions concrètes devenues urgentes dans l’esprit et la pratique sociale.
Aussi bien, rien n’empêchera au cours de ces années 60, ce réformateur avisé en toutes circonstances de déclarer, sans en faire mystère, les quelques bénéfices personnellement recueillis en cours d’exercice.
Ici, celui de la poursuite d’un droit de chasse sur les terres d’une des fermes du domaine patrimonial qu’avec humour il considère comme un « privilège seigneurial », Ailleurs, ce sont les avantages procurés par un fournisseur également amateur de foot qui lui offre régulièrement, lors de grands matches, accès à la tribune d’honneur du Parc des Princes et bien sûr aussi, de la part des locataires exploitants, quelques invitations familiales à des spectacles aux Folies Bergères.
Aux Quinze-Vingts, non négligeable, un logement de fonction procure à son épouse et à sa fille un appartement élégant et confortable donnant sur un petit jardin. Une assistance ménagère permettant à chacun de se livrer à ses occupations quotidiennes. Madame THEILLOU poursuit sa carrière dans l’enseignement technique, ensuite mutée à la direction de cet office, elle collabore à la structure des C.E.S. de la région parisienne. En 1974, promue officier de l’Instruction Publique, elle prendra sa retraite afin de s’occuper de leur fille et, plus tard, de ses petits enfants.
Non négligeable reste aussi la mention des invitations reçues. Soit lors de la journée des lépreux organisée à l’Hôpital St Louis par les Chevaliers de l’Ordre de Malte, fine fleur en grand apparat de la noblesse française au milieu de laquelle s’égarent parfois de simples citoyens.
Pas davantage ne saurait s’oublier la fastueuse réception aux flambeaux donnée en fin de partie de chasse dans l’annexe du château de Chantilly par les MARESQUIER distribuant, après souper, à leurs hôtes, des trophées de gibier.
Á Lamorlaye 1970-1978
Parallèlement, leur fille Françoise ayant terminé sa préparation du BAC au lycée de Vincennes, elle entreprend une préparation à l’Ecole Normale Supérieure, aux Lycées Victor Hugo et Fénelon dont le climat de froideur peu engageant lui fait préférer une inscription à la Sorbonne pour les différents certificats en vue d’une licence de lettres.
Et c’est au cours de sa préparation I.P.E.S. qu’elle rencontre en 1964, Gérard PATENOTTE qui devient son époux et bientôt le père de deux enfants : Dominique en 1968, et Jérôme quatorze mois plus tard.
Durant la même période, les époux THEILLOUX songeaient à s’établir en résidence secondaire. Après quelques mois passés dans un pavillon de Chantilly qui fera justement l’affaire, pendant les week-ends de 1964 à 1970, la famille s’accroissant, une décision majeure sera prise quant à l’acquisition d’un terrain à bâtir au Domaine du Lys, dans l’intime voisinage de Lamorlaye.
Les travaux sont confiés à des architectes, entrepreneurs et spécialistes, amis ou engagés aux chantiers des Quinze-Vingts. Gros œuvre et menus détails sont achevés pour l’été 1972 avec un coût dépassant quelque peu les prévisions mais à la plus grande satisfaction de tous. Déjà, les PATENOTTE père, mère et enfants se sont installés dans la partie de la maison, à eux réservée. Tandis que le reste du mobilier suivra à la fin de l’intérim accordé par le successeur aux Quinze-Vingts. Celui-ci, d’ailleurs, n’est autre que JAHAN, administrateur civil et leader C.F.T.C. quittant la direction de l’Hôpital Psychiatrique de Clermont.
Un peu plus tard, alors qu’il séjourne en Bourbonnais, comme commissaire du Gouvernement à la Compagnie Fermière de Vichy, il recevra la visite inopinée du candidat à la mairie de Lamorlaye. Celui-ci l’incitant vivement à se laisser inscrire sur sa liste afin d’être élu adjoint chargé des finances locales.
Dubitatif quant à un possible succès étant donné sa très récente installation, il attribue cette démarche tant à sa notoriété en matière de gestion qu’à son titre d’Inspecteur Général. Aussi n’accepte t-il la proposition qu’à la condition que la liste en question ne se réfère à aucun parti.
A sa plus grande surprise, le vote de 1977 leur attribue la totalité des sièges et lui-même en quatrième position sera désigné adjoint du maire. Il ne se représentera pas aux municipales de 1983 tant il s’y laissait accaparer quotidiennement et tant les opinions prévalentes contrevenaient aux siennes. Il avait pourtant contribué à des aménagements scolaires comme à une rénovation de l’Hôtel de ville dont il était loin d’être mécontent.
Très vite il découvrira la bizarre complexité de structure de cette commune intimement divisée en deux camps adverses ; d’une part, l’agglomération principale et d’autre part, en son sein, le Domaine du Lys (où il réside) constitué en association syndicale de copropriétés privées. Deux formations en perpétuels litiges et conflits d’intérêts. Devenu arbitre d’incessantes querelles de clocher il aura plus d’une fois à trancher des débats à l’opposé de son propre clan.
Conseiller technique au cabinet de Jean FOYER
1972 – 1973
A peine assurées les bases d’une implantation quasi définitive entre Seine et Oise, Paris et ses attenants picards, Henri THEILLOU placé sous les directives de BARDEAU, chef de l’Inspection Générale des Hôpitaux se trouve happé par une urgence inattendue.
Alors qu’il entame un droit de vacances destinées à son installation provinciale, il est appelé par ce même BARDEAU lui demandant d’accepter au plus tôt une mission au cabinet du nouveau ministre de la santé Jean FOYER. Surpris et flatté mais non enchanté par le rôle de conseiller technique qui lui échoit, il reçoit dès le lendemain, à Paris avec l’ensemble du cabinet nouvellement formé, des instructions recommandant à chacun de corriger sans tarder les habitudes de laisser aller précédemment adoptées.
Avec CHARRET, le directeur de cabinet, c’est affaire entendue mais non avec les membres du cabinet voisin dont la secrétaire d’Etat à l’action sociale est peu disposée, quant à elle, à prendre au sérieux cette nouvelle réforme. Effectivement, déjà s’opposent l’importance des travaux attendus aux mesquines intrigues et préoccupations de politique électorale. De ce climat contrasté quelques épisodes font date, évoquant certains aspects dérisoires sinon déprimants de la vie publique en cette période critique.
Ici, c’est un appel d’Edgar FAURE en quête de crédits pour la construction d’un centre pour enfants handicapés et, en réponse, l’aveu de l’absence totale de moindre provision à cet effet. Ailleurs, c’est une panne d’ascenseur et la même absence de secours le jour de la Toussaint 1973 alors que le ministre absent pendant 24 h a confié tous ses pouvoirs à son conseiller technique ; et le même jour encore, un appel à l’aide de Maurice SCHUMANN aux prises avec le personnel en grève de l’Hôpital Psychiatrique d’Armentières.
Entre toutes s’inscrit en mémoire la journée de vote en séance, à l’Assemblée Nationale, du budget du Ministère de la Santé et de l’action Sociale. On y aperçoit le témoin du jour, au deuxième rang, juste derrière son ministre Jean FOYER. Celui-ci, agacé par les propos inopportuns du secrétaire d’Etat, passe à THEILOU des petites notes (parfois scribouillées en Latin) afin d’obtenir matière à faciliter ses répliques aux attaques de l’opposition. A cet égard, Henri THEILLOU restera très impressionné par l’habileté d’un ministre capable d’improviser un discours fleuve et de belle tenue sur la base des avis et informations qu’il rédige à la va-vite pour un porte voix planté devant lui. Finalement, le budget sera voté par les trente sept députés présents ce jour là.
A l’occasion du remaniement du gouvernement MESSMER (influencé par Marie France GARAUD et PONIATOWSKY, aspirant à la succession, s’achèvent les fonctions dévolues à Jean FOYER. Pour THEILLOU, c’est une sorte de soulagement. Il était temps que prenne fin une expérience ministérielle marquée par l’affaire du talc Morange et les bévues du Dr C., vieux roulier de l’intrigue politicienne et ne manquant aucune occasion de compliquer la tâche de possibles concurrents.
Dès novembre 1973, la tournée des inspections reprend son cours. Une première mission commandée par le premier ministre et le Ministère de l’Intérieur, consacrée au contrôle des horaires de l’ensemble des fonctionnaires d’Etat, aboutit, en Corse, au constat d’une très conforme application d’un règlement tandis qu’à Nice, l’absentéisme et les retards semblent relever d’habitudes facilement tolérées.
En décembre, les inspections hospitalières à Toulouse et à Auch exposent des situations plus complexes concernant l’isolement de certains praticiens en hôpitaux psychiatriques et le manque d’information sévissant au niveau de la préfecture.
Ce sont jusque là autant d’approches psychologiques et sociologiques éclairantes et propres à aiguiser l’art des analyses subtiles comme celui des solutions pacifiques autant que nuancées.
En haut lieu, on s’avise, du même coup, de l’existence d’un inspecteur au doigté exemplaire et à qui confier, en priorité les affaires délicates.
Sous l’égide de Simone VEIL
De fait, c’est bien de hauts lieux et et tout spécialement des directives imposées par Simone VEIL que dépendra la subtile orientation nouvelle de la carrière d’Henri THEILLOU.
Alors qu’il poursuit ses tournées d’inspection, c’est en février 1975 que BARDEAU, son directeur de service, lui transmet de la part de son ministère, une demande expresse et personnelle d’intervention au sujet d’un conflit majeur resté insoluble à l’Hôpital Psychiatrique des Mureaux. Cet établissement d’une capacité officielle de 800 lits n’héberge en fait que 80 malades et se présente comme un gouffre financier. Envoyé sur place au Conseil d’Administration, THEILLOU constate qu’effectivement le directeur en titre, dépourvu d’esprit d’équipe, ne réussit à s’entendre pas plus avec le chef de bureau qu’avec l’économe, le médecin ou l’ensemble des infirmiers.
Toutes relations n’advenant que dans le plus grand désordre de conduite et de langage. Le rapport qui sera présenté à Simone VEIL préconisera une pure et simple liquidation de l’imbroglio : fermeture ou changement d’attribution des pavillons excessivement coûteux. Le Département, l’Assistance Publique et l’Administration locale s’offrant à des reprises distinctes offre une solution globale mettant fin sans délais, au problème posé.
On conçoit que Simone VEIL trouve aussitôt l’usage à faire d’un gestionnaire de cet acabit. Et ceci malgré les objections de BARDEAU soucieux de répondre à la demande de mise à la retraite de l’intéressé qui réclame, à défaut d’avancement, un répit mérité.
C’est ainsi que deux jours après avoir été chargé par la même Simone Veil de la « gestion par intérim » de la station thermale de Bourbonne-les-Bains, Henri THEILLOU se voit promu au choix (après seulement trois ans d’ancienneté) au grade d’Inspecteur Général.
Une immédiate mission à Bourbonne va consister en l’apaisement des démêlés entre le comité d’entreprise de la concession et son gestionnaire. Elle s’accomplira avec l’aide du préfet, par l’installation d’un nouveau gestionnaire.
Mission accomplie donc, mais non exécution de la condition impliquée, à savoir la demande de mise à la retraite formulée par l’intéressé. Simone VEIL refusant de lâcher un tel factotum, le nommait, sans façon, « Commissaire du Gouvernement à la Compagnie Fermière de Vichy ».
Une telle nomination, alors qu’Henri THEILLOU n’envisageait qu’un repli définitif en retraite bien méritée, indique clairement la grande estime dans laquelle il est tenu. Au faîte de sa carrière, il la qualifie de « cadeau royal » sans ignorer qu’elle s’assortit d’obligations mondaines dont il se passerait volontiers. Mais il n’ignore pas non plus que s’y adjoint une sorte de défi professionnel qu’il ne peut, en tous cas, s’empêcher de relever.
Il succède en effet à un personnage prétentieux, indélicat et qui laisse derrière lui non seulement une réputation douteuse mais des factures proprement exorbitantes.
Durant les deux années que le nouvel arrivant titularisé passe à ce poste, on peut apercevoir de quelle façon il conçoit la mission, à lui, confiée. Les factures présentées à l’État vont passer d’un déficit annuel de 11.215.205 Francs à une clôture d’exercice d’un montant de 308.615 Franc et à la clôture du second, à un excédent bénéficiaire de 819.091 Francs. Résultats probants dus à un travail continu de régulation et ajustement des dépenses autant qu’à une révision de contrats menée de mains de maître.
De toute évidence, une telle mission requerrait, en sus des amabilités, convivialités et marques d’estime ou de respect réciproque, des observations drastiques tant auprès du comptable officiel que du Directeur de la Compagnie Fermière. Non moins utiles furent les pourparlers avec la Compagnie des eaux Perrier, elle-même fermière de la Société Thermale de Vichy, concluant un accord d’abattement de 400.000 Francs sur les factures que présentait, de son côté, la dite concession.
Avec le Sous-préfet, un très amical voisinage permit à chacun de suivre au plus près l’ensemble des évolutions administratives en cours. Quant au Préfet nommé en 1977 à Moulins, c’était un ami déjà rencontré à Bourbonne-les-Bains et qui facilita la remise en vigueur de la commission étatique de conciliation dont il était président. Enfin, c’est avec la mairie ordinairement en conflit avec la Compagnie Fermière que vont se renouer des relations plus engantes en obtenant pour l’exploitation thermale une compétence en rhumatologie ajoutée à la seule spécialité de gastro-entérologie. On ouvrait alors la perspective d’activités orientées vers la kinésithérapie et la création de centre de rééducation fonctionnelle. En cours de renouvellement de clientèle, du fait de la prise en charge de curistes par la Sécurité Sociale, la station attendait au moins quelques signes d’attention et d’intérêt à son développement. Peut-être suffisait-il aussi d’inspirer confiance en l’avenir.
Logé dans l’ancien Hôtel de la Sous-préfecture, le couple THEILLOU jouit en plein cœur de la ville d’un agréable jardin non loin du parc et de l’Opéra offrant les distractions souhaitées pour une clientèle bourgeoise en quête de menus plaisirs. Le commissaire du Gouvernement d’ailleurs, bénéficie d’une loge spacieuse dont profitent famille, amis et visiteurs de passage.
Pas davantage ne manqueront, Henri et Élisabeth, d’invitations en ville à des réceptions officielles ou privées. Chez le Président du Conseil d’Administration ils rencontreront des personnalités intéressantes comme celle de Maurice SCHUMAN à la mémoire prodigieuse. A l’Hôtel de Ville, ils sont aussi reçus à l’occasion des championnats de tennis où ils croisent les fameux joueurs du moment. Sans compter Louison BOBET grand vainqueur du Tour de France et non moins homme d’affaire investisseur dans l’aviation et la thalassothérapie.
C’est en 1978, alors qu’il n’a pas encore mis fin à ces hautes fonctions de représentation qu’Henri THEILLOU se décide à subir l’intervention chirurgicale que lui conseille son médecin traitant, le Dr HEULEU. Il s’agit d’un problème d’arthrose ankylosée de la hanche qui, depuis plusieurs années, le fait souffrir du genou gauche, le contraignant à porter des chaussures orthopédiques.
Cette intervention ne pouvait aller sans qu’il ait à se heurter à la pratique déjà par lui violemment dénoncée des cliniques privées. A l’instant de convenir des dates, heures et lieu de l’intervention, le patient est informé de la procédure qui lui est réservée.
Ainsi, apprend t-il à Paris qu’un rendez-vous est prévu pour lui à l’Hôpital Américain alors qu’il s’attendait à se présenter à Cochin suivant toute logique. Scandalisé par cette conduite para légale, il consulte dans son entourage et découvre le Dr POSTEL comme allié, garant des méthodes officiellement admises. Ce chirurgien se propose de le traiter personnellement.
Aussi aimable que peu prétentieux, le praticien ne cache pas qu’il s’engage à guérir la plus longue ankylose rencontrée au cours de sa carrière. Le 2 février, à Cochin, l’opération réussit en tous points et sans excessive douleur. Si bien que le rétablissement s’effectuera au centre de rééducation de Menucourt récemment inauguré par Simone VEIL en personne. Et là, il retrouve le Dr HEULEU qui lui apprend, dix jours plus tard, que tout en étant résident usager, il est aussi devenu Vice-président du Conseil d’Administration de cet établissement.
Au mois de mai de la même année, telle une cerise sur le gâteau, il est informé de sa promotion par Madame VEIL au grade de Commandeur de l’Ordre National du mérite.
Revenu à Vichy dès juillet, il attend le 26 octobre 1979 pour prendre une vraie retraite enfin accordée. Madame VEIL qui l’avait maintenu en activité prolongée au-delà des limites ordinaires pouvait donc tout à la fois se féliciter du choix effectué et recevoir l’expression de la profonde reconnaissance d’un haut fonctionnaire resté fidèlement attaché.
Une retraite active
Quelques jours après sa mise à la retraite Henri THEILLOU est élu Vice-Président du Comité de la Croix-Rouge du Canton de Chantilly, et désigné comme Administrateur du Centre de Rééducation de Bois-Larris ainsi que de l’Ecole des Cadres de Kinésithérapie dirigée à cette époque par la Baronne MALLET, présidente de la Croix-Rouge.
D’autre part, il est également élu Vice-président du Conseil d’Administration de l’Hôpital Psychiatrique de Clermont qui prend la nouvelle appellation du Centre Hospitalier Spécialisé Interdépartemental (C.H.S.I.).
Le voilà donc encore chargé de fonctions aussi prenantes que diversifiées. En effet, au C.H.S.I. l’année suivante, en 1980, son ami Marcel MÉRIGONDE décède à la suite d’un cancer. Il est beaucoup regretté au C.H.S.I. de Clermont où il a accompli une présidence remarquable. Son successeur, Jean-Pierre BRAINE, est un Député Socialiste, Maire Conseiller Général de Saint-Just en Chaussée. Très vite ils deviendront amis et Henri THEILLOU lui prodiguera ses conseils d’expert.
Cette même année 1980, Henri THEILLOU est élu Conseiller Départemental de la Croix-Rouge et Vice-président du Syndicat Interhospitalier du secteur de Creil-Clermont. Les fonctions s’accumulent, mais, fort heureusement ces deux derniers organismes ne se réunissent pas trop souvent pour en négliger l’intérêt.
Au Centre Hospitalier Spécialisé de Clermont, en 1983, le Directeur, QUESNOT, part en retraite. Il est remplacé en 1984 par Christian GUT.
C’est un personnage remarquable et de grande valeur intellectuelle. Archiviste et paléographe issu Major de l’Ecole de Chartres et ancien sous directeur aux Archives Nationales. Il a tenu à se faire inscrire sur la liste d’aptitude aux fonctions de directeur d’Hôpital en spécifiant une option exclusive pour le poste offert à Clermont ; en effet, son épouse est elle-même archiviste du département de l’Oise. Protestant d’origine, devenu libre penseur, il est très cultivé et se manifeste comme une personnalité ouverte et attachante.
Riche en conversations, agréable convive, il se lie bientôt tout spécialement avec le Chanoine COULARD resté proche des affaires hospitalières autant que du jeu des idées. Entre amateurs de grands textes, se fomenteront des débats passionnés et d’une franchise propre à inspirer entre les interlocuteurs la plus entière confiance. Tant et si bien que le Président, souvent accaparé ailleurs, s’en remet pleinement à son entourage doué de si nobles qualités.
Cette même année 1984, Henri THEILLOU accepte la Présidence de la Commission de Surveillance de l’Hôpital Bretonneau, à Paris. Présidence qu’il conservera jusque 1989.
En 1985, la gauche ayant perdu la majorité au Conseil Général, Jean Pierre BRAINE doit céder sa place à Alain VASSELLE, député R.P.R. élu tout à la fois vice Président du Conseil Régional, Président des maires et de l’office des HLM de l’Oise. Le nouveau venu, peu au fait des problèmes techniques propres à cette fonction et par ailleurs surchargé d’occupations, n’hésitera pas longtemps à déléguer ses pouvoirs à Henri THEILLOU. Il suivra et comprendra les décisions prises à la Commission Administrative du C.H.S.I. sans émettre d’objection sauf sans doute, pour l’attribution du nom de Marcel MÉRIGONDE à un pavillon qui n’avait pas été identifié jusque là.
Mais Henri THEILLOU aboutit malgré tout et cela conformément aux vœux de la majorité du personnel hospitalier et de la plupart de ceux qui avaient connu, aimé et admiré MÉRIGONDE, président d’un exceptionnel dévouement. Apprenant le fait accompli, Alain VASSELLE quoi que non favorable à cette initiative, en raison de la délégation de pouvoir qu’il avait laissée à THEILLOU ne pouvait objecter que par une absence excusée au cérémonial d’inauguration assorti d’un discours officiel. Cet éloge venu du cœur devait effectivement revenir à celui qui savait de qui et à qui parler.
En 1989, Christian GUT demande à bénéficier du congé spécial et Gérard DAHURON, Directeur du Centre Hospitalier de Saint-Quentin lui succède. Henri THEILLOU sympathise immédiatement avec ce nouveau Directeur qui lui semble très réfléchi, pondéré et compétent. Bien que n’étant pas militaire de carrière, il a acquis, dans la réserve, le grade de Lieutenant-colonel, ce qui prouve son aptitude au commandement. D’autre part, il appartient au Syndicat F.O. ce qui constitue un préjugé favorable.
En novembre 1994 l’activité d’Henri THEILLOU au Centre hospitalier de Clermont est marquée par un incident très « pittoresque » ….. La Commission Administrative est remplacée par un Conseil d’Administration, et le Président Alain VASSELLE, élu Sénateur, décide d’abandonner ses fonctions. Le Conseil Général de l’Oise décide de proposer comme Président le Dr BOQUET, Vice-président de cette assemblée.
L’intéressé proclame urbi et orbi qu’il a l’intention de modifier complètement la politique suivie jusque là à Clermont. Il pense, en effet, que la Psychiatrie doit être une discipline médicale comme les autres et, par conséquent, faire l’objet d’un service spécial dans les Hôpitaux Généraux.
Le Centre Hospitalier Spécialisé serait alors très réduit. Cette conception de la Psychiatrie ne correspond pas du tout à celle des médecins de l’Etablissement, et encore moins à celle des représentants du personnel qui craignent de nombreux licenciements. Cette prise de position a une conséquence désastreuse : la candidature du Dr BOQUET ne recueille que 3 voix, alors que 10 voix se portent sur M VASSELLE non candidat et que l’on compte 6 bulletins blancs.
Henri THEILLOU en tant que Président de séance en qualité d’Administrateur le plus âgé, n’est pas très à l’aise et cela d’autant plus qu’il est élu Vice Président à l’unanimité et à bulletins secrets.
Le Dr BOQUET décide de se représenter. Il est cette fois élu par 9 voix et 13 bulletins blancs.
Au moment où il se considère « en retraite », un regard panoramique sur les activités qui le retiennent ne donne pas à voir le tout repos d’un renoncement à des charges dont Henri THEILLOU avait fait le plus clair de son existence ; et cela ne saurait surprendre de la part de celui pour qui n’existait à ses yeux aucun titre honorifique qui n’implique engagements et responsabilités.
Tout juste a-t-il entamé ce rythme plus serein et tiré les bénéfices de la récente intervention chirurgicale qui l’a en quelque sorte sauvé d’une arthrose de la hanche, alors qu’il se rendait à sa loge du boulevard Bineau à Neuilly, il est renversé par une voiture en excès de vitesse. Immédiatement secouru, il est transporté à l’Hôpital de Neuilly avec deux côtes cassées. Son médecin décide de le faire conduire une seconde fois vers Menucourt où il a été précédemment soigné et où il doit prochainement être opéré en vue d’une prothèse au genou. Mais cette fois, ce sera sans obtenir le résultat espéré puisqu’il ne pourra désormais plus se passer du secours d’une canne adjuvante.
Sa nouvelle convalescence lui permettra au moins de mieux connaître ses petits enfants, Dominique et Jérôme auxquels s’ajoutera une petite Florence. Non loin de lui, son gendre, Gérard PATENOTTE, après avoir été censeur à Corbeil et proviseur au collège d’Evry sera nommé Proviseur au Lycée polyvalent de Creil. Cette nomination, inattendue pour un agrégé de lettres, sera pédagogiquement intéressante et les rapprochera tous de Lamorlaye, ancrage du bonheur.
Aussi bien, sa fille Françoise, prendra t-elle une retraite anticipée afin de se consacrer tant à ses propres intérêts littéraires et historiques qu’à sa petite famille.
En effet, Dominique sera reçue au Baccalauréat avec un remarquable 18/20 en Philo qui ne le détournera pas de se faire inscrire en Médecine. Tandis que Jérôme, ayant passé le bac à Creil, pourra se faire admettre en préparatoire pour H.E.C. au Lycée de Versailles, son père ayant été nommé proviseur à Paris en septembre 1988. Pour Gérard et Françoise, l’École Supérieure des arts Graphiques sera une source de découvertes passionnantes au point qu’ayant organisé des visites conférences en ville, elle engagera très vite leur publication illustrée.
Toutefois, quand Jérôme abandonnera son premier projet en faveur de la faculté de droit d’Assas où licence, maîtrise et stages lui ouvriront une carrière anglophone propre à rassurer autant qu’à satisfaire un grand père aussi soucieux que connaisseur en moyens d’épanouissement, seule une ombre aura plané sur cette assemblée de travailleurs assidus. Dominique a traversé une phase de tensions excessives au point qu’à l’Hôpital Cochin on pose l’indication d’interventions successives qui ne l’ont pas empêchée d’être pourtant reçue à l’Internat mais sans qu’elle puisse récupérer les moyens d’assumer les tâches qu’elle ambitionnait.
Ainsi, les années 1980 et 1990 auront été traversées en étroite proximité de ceux pour et par lesquels vivait ce père et grand père attentif à favoriser toutes les occasions d’employer le meilleur de soi même.
Ces étapes permettent en tous cas d’apercevoir comment s’est réalisée une idée du bonheur reposant essentiellement sur une série de choix délibérés toujours adaptés aux réalités offertes. Jamais il n’a douté que puisse se trouver, en toutes circonstances, une place pour chacun. Ceci, à la condition d’éviter, par excès de prétention ou erreur de jugement, de se mettre en porte à faux vis-à-vis des données présentes.
Et ce sont précisément les quelques événements marquants survenus dans les mêmes années 80/90 au C.H.I. de Clermont qui vont indiquer dans le détail la qualité des interventions du Vice-président de la Commission administrative dont il se fera la cheville ouvrière.
Il va sans dire qu’Henri THEILLOU allégeant ses activités par démission et non présentation électorale, conserve alors sa plus grande attention pour le Centre Hospitalier Interdépartemental de Clermont où il ne manque jamais d’assister le directeur ni la politique menée à la Commission Administrative entrée en crise lorsque son président, Alain VASSELLE, élu sénateur en 1994, vient à abandonner ses fonctions.
L’Association des Amis du Centre Hospitalier Interdépartemental de Clermont
et le Musée Henri Theillou
En 1996, au C.H.I., un groupe de passionnés du patrimoine hospitalier fonde l’Association des Amis du Centre Hospitalier Interdépartemental de Clermont – l'A.C.A.C.H.I.C. - avec, pour Président, Henri THEILLOU encore Vice-président du C.A. de l’établissement (jusqu’en 1998).
Une revue semestrielle à caractère historique est écrite avec la participation des membres de l’Association parmi lesquels : Emmanuel BELLANGER, Maryline CLIN, Annette NEUMANN, Jean François POPIELSKI, Alain SEGRET, Christian WALRAND…
Au fil du temps, de nombreux objets aussi divers qu’hétéroclites parfois, relatifs au passé de l’établissement sont rassemblés et l’installation d’un lieu d’exposition s’impose.
En 2003, grâce à la Direction et au Conseil d’administration, le musée du C.H.I est établi dans des locaux restés vacants depuis
longtemps. Henri THEILLOU accepte de donner son nom au Musée.
Peu à peu dans l’impossibilité de se déplacer, c'est toujours avec enthousiasme et passion qu'il suit l'évolution des travaux de l’association et du Musée. Sa grande connaissance du milieu hospitalier et de l'histoire en général, sont d’une aide précieuse.
Le musée sera inauguré lors des journées du patrimoine 2003. Alors très fatigué par l’âge et la maladie, Henri THEILLOU ne peut assister à cette manifestation où sont invités tous les personnels du C.H.I. et de nombreuses personnalités locales et régionales.
C’est le nouveau Président de l’A.C.A.C.H.I.C., le Dr Olivier BOITARD qui prononcera le discours d’inauguration. Un film réalisé en life retrace l’événement.
Les collections du Musée témoignent de l'histoire du C.H.I. et des professions tant soignantes que techniques et administratives. Conformément aux vœux de son fondateur, leur présentation restitue, interroge et commente cette histoire riche d'humanité au sens large. Lieu de sauvegarde d’un patrimoine tant matériel que spirituel, ce musée rassemble de nombreux documents imagés du début du XIXe siècle jusqu'à nos jours.
Ces quelques pages été rédigées à partir de notes éparses écrites par Henri THEILLOU et d’interviews accordées à Maryline CLIN,
Vice-présidente de l’A.C.A.C.H.I.C.